Aïkido Lyon 3
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Qu’est-ce que l’aïkido ?

mercredi 14 octobre 2009, par Marc

La question la plus embarrassante pour le pratiquant est : "Qu’est-ce que l’aïkido ?". Comment, en effet, répondre simplement ?

Commençons par un bref descriptif de la discipline :

Au Japon, dans les années 30, s’inspirant de disciplines plus anciennes, Morihei Ueshiba a développé cet art de combat. Essentiellement orienté vers les techniques de défense, il consiste à utiliser la force de l’agresseur pour la retourner contre lui. Les techniques se pratiquent à mains nues ou avec des armes (boken, jo et tanto, respectivement : sabre en bois, bâton, et couteau en bois), contre un ou plusieurs adversaires, en position debout ou à genou. Mais la pratique n’est qu’une petite facette de la discipline...

Pour aller plus loin, le premier réflexe est de chercher la traduction des composants du mot :
- AI : harmonie, union, amour ;
- KI : énergie vitale ;
- DO : voie, chemin.

Nous voilà bien avancés : il n’existe pas de définition parfaitement explicite de la discipline. A chacun, donc, son interprétation. Pour moi, c’est : la recherche de l’union des esprits. Je préfère utiliser le terme "esprit", mais KI pourrait être traduit aussi par "âme". Le KI est la différence entre un corps vivant et un corps mort ; ce que l’on ressent en présence d’un cadavre, en fait, c’est une absence. C’est l’absence du ki. Les cellules sont les mêmes, mais il n’existe plus de lien, plus d’âme, plus d’esprit, pour rendre la structure cohérente. C’est le mystère de la Vie...

L’union suppose au moins 2 personnes, mais la finalité est la recherche de "l’union avec l’Univers tout entier", selon les propres termes de Maitre Ueshiba. C’est un peu comme l’amour ; il se cherche à travers une personne, et le stade ultime est l’amour de tous ses semblables. Les grecs distinguaient déjà éros, l’amour de manque, de besoin, philia, l’amour d’amitié, et agapè, l’amour universel ou amour de charité pour son prochain (c’est à dire n’importe qui, c’est à dire son semblable). Le chemin c’est d’aller du premier au dernier stade. On pourrait parler d’élévation spirituelle, et nous verrons plus loin quel en est l’intérêt.

En aïkido, c’est le mouvement qui va être l’objet de la recherche. L’objectif est la réalisation du mouvement parfait qui, sans effort, sans tensions, et sans violence, permettra de maitriser l’agressivité manifestée par un adversaire. La finalité n’est pas la domination, mais faire disparaitre le rapport dominant-dominé. Trouver le moyen de faire comprendre que l’on ne veut ni être agressé, ni agresser. Au delà de la technique, il y a le message : exprimer à travers la manière de gérer une attaque, par l’exécution du mouvement, que l’on n’est pas dans un rapport de force. Et cela, celui qui subit la technique peut le ressentir : lorsque la technique est bien réalisée, la sensation est agréable : on se sent aspiré par le vide "créé" par l’aikidoka qui n’impose aucune contrainte par la force, et qui pourtant impose sa technique.

Mais tout cela reste un peu abstrait. Faire une comparaison peut être plus parlant. Par exemple, nous pouvons comparer avec le dessin. Lorsque l’on dessine, que l’ont veut reproduire quelque chose, il n’existe qu’un seul trait juste. Dès lors que l’on n’est plus sur le bon trajet, le dessin "cloche". Et pour créer un dessin, il faut un médiateur tel qu’un crayon. En aïkido, le médiateur est l’adversaire, et le "dessin" est le mouvement. Comme pour le dessin, le trajet est unique pour être parfait, avec la différence que l’on doit ajouter 2 autres dimensions : une troisième qui permet de sortir des deux dimensions du plan pour agir dans l’espace, et une quatrième, le temps : il faut, en effet, être "synchro" avec l’attaque, pour l’exécution de la technique. Comme pour le dessin, il faut respecter des règles. Ces bases, il faut les apprendre, puis les intérioriser, par la pratique, pour s’en libérer.

L’apprentissage, comme dans de nombreuses disciplines, passe par un travail qui est l’inverse de ce que l’on recherche. Par exemple, on demande à l’étudiant en médecine d’apprendre les maladies avec l’ensemble de leurs symptômes, alors que le médecin devra, lui, partir de symptômes pour retrouver la maladie... De même l’apprentissage de l’aïkido se fait par l’exécution de techniques prévues à l’avance (aussi bien l’attaque que la réponse), alors que l’aïki est l’adaptation de la réponse au type d’attaque, au placement de chacun (la distance) et au temps (un léger retard, et une technique n’est plus possible, et il en faut une autre).

L’évolution doit se faire vers le "vide" de l’esprit. La réflexion demande du temps, il faut donc que le corps se libère de la réflexion (apprentissage) et ne soit qu’un avec l’esprit (le sien et celui de l’adversaire). Ce résultat est l’harmonie, l’union (AI) des esprits (KI).

L’apprentissage est long, les techniques sont très nombreuses, mais les bases se mettent en place, petit à petit, au cours de la pratique : mawai −ou "bonne distance" −, shisei −ou "bonne attitude" −, prise du centre du mouvement, aller dans le sens de la force, utiliser le déséquilibre, ne jamais forcer, etc.

Cet art martial essentiellement orienté vers l’étude des techniques de défense reste martial. Cela signifie que l’exécution des techniques doit être martialement correcte, c’est à dire qu’à aucun moment au cours de l’exécution de la technique l’aikidoka ne doit être en danger. Sans cette limite, il ne s’agit plus d’art martial mais d’autre chose (danse ?).

Nous parlions plus haut d’élévation spirituelle. Il est clair que les valeurs de l’aïkido sont des valeurs de paix et de coopération, ce qui va à contre-courant des valeurs "modernes" : compétition, individualisme. Les grands progrès ne peuvent s’accomplir que par l’association. De même, le bien-être du plus grand nombre ne peut s’obtenir que si l’on change les mentalités : si on refuse la compétition, on sort d’un système qui propose très peu de "gagnants" pour tous les autres "perdants". Laborit (toujours lui...) a expliqué pourquoi cela générait du mal-être et des maladies psychosomatiques par l’inhibition de l’action. Et Maitre M. Ueshiba l’a certainement senti, en interdisant catégoriquement toute compétition dans son art.

Les tenants de l’évolution par la compétition oublient toujours de relever que la compétition est exceptionnellement loyale et saine. La tricherie et le rapport de force sont les principaux atouts d’un "vainqueur". Même dans le sport qui, dit-on, est si noble...

Pas de recherche d’augmentation des performances musculaires, au contraire (recherche du minimum d’effort pour le maximum d’effet), et pas de compétition : l’aïkido est donc, comme se plait à le répéter Alain Peyrache, l’inverse d’un sport !

En somme, l’aïkido peut se concevoir sur différents plans :
- une activité physique ludique ;
- l’apprentissage de techniques de défense ;
- la transformation de soi (décontraction musculaire... et mentale) ;
- une philosophie de vie (recherche de la paix intérieure... et extérieure) ;
- l’élévation spirituelle : se considérer comme un élément d’un tout et oeuvrer pour le bien-être de l’ensemble.

Pour terminer sur ce dernier point, je voudrais revenir sur une réflexion que l’on retrouve chez Hans Selye (le "père" du stress) et Henri Laborit : dans un organisme, les cellules fonctionnent en coopération : il n’existe pas de compétition entre elles, et la finalité de chaque cellule et la finalité de l’ensemble cellulaire sont... la même : se maintenir en vie. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est à dire que certaines cellules ne fonctionnent que pour leur propre compte, on parle de cancer, et cela entraine la destruction des cellules saines... et des cellules cancéreuses par la mort de l’organisme dont il profitait. Si l’on transpose à l’échelle de l’humanité, chaque individu est comme une cellule d’un organisme : il vit et meurt pour son propre compte, mais est un élément de l’ensemble. Comment concevoir que l’intérêt personnel, s’il est différent de l’intérêt général, puisse être une bonne chose ?

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