Ce qui surprend souvent le nouvel arrivant, c’est l’absence de catégories. Il n’existe pas, en effet, de cours spécifiques pour les débutants et d’autres pour les anciens. En tout cas dans un enseignement de type traditionnel.
Pour comprendre, il faut se représenter l’apprentissage de l’aïkido comme celui d’une langue maternelle (par opposition à celui d’une langue étudiée). Le mode d’apprentissage est celui de l’imprégnation, de l’immersion. C’est pourquoi il n’existe pas de progression linéaire (ou "logique" diraient certains).
Chaque cours est indépendant des autres. Il n’est pas nécessaire d’être absolument assidu pour ne pas être perdu. Tout comme lorsque l’on apprend sa langue maternelle les mots ou phrases peuvent être de complexité variable, le débutant peut être amené à pratiquer aussi bien des techniques très "sophistiquées" que des techniques assez simples. Et comme l’enfant qui apprend, il se laisse imprégner par ce qu’il ne peut pas comprendre immédiatement. Cela nécessite donc de la patience.
Au début de la pratique, chercher à comprendre est impossible (c’est le désir de tout le monde, et c’était mon désir aussi...), car cela nécessite du temps de pratique pour commencer à intégrer les bases. Ce temps de pratique est comparable à celui qu’il faut à l’enfant pour commencer à parler. Il lui faut tester et tester encore avant de faire juste. C’est pourquoi on ne demande pas au débutant de faire un effort... Tout comme on ne demande pas à un enfant de faire un effort pour parler. Encore une fois, on le laisse s’imprégner, et les choses se mettent en place d’elles mêmes.
Ainsi, la progression se fait de manière discontinue, par paliers, par déblocages ou acquisitions successifs. Car chaque nouvelle compréhension transforme toute la pratique. Tout comme l’utilisation de règles grammaticales nouvellement acquises transforme toute l’expression langagière de l’enfant.
L’apprentissage de la langue maternelle n’est pas assuré par une seule personne. En aïkido, c’est pareil. Les plus anciens apprennent aux nouveaux, ce qui oblige à revoir (donc renforcer) les acquis, les bases. Ainsi tout le monde profite de l’échange. Le professeur, lui, est là pour expliquer et aider chacun à se corriger, bref pour faire respecter les règles du langage étudié − et utilisé en même temps. En plus, il introduit sa sensibilité : certains préfèrent les phrases longues, d’autres les courtes, d’autres les simples, d’autres les sophistiquées, d’autres la poésie, etc. Cela reste pourtant la même langue... C’est à l’élève de choisir de quelle manière, donc avec quel professeur, il veut apprendre ce langage.
L’apprentissage doit être un plaisir. La voie, ce qui nous intéresse, n’est pas seulement l’arrivée, mais aussi le chemin parcouru.
L’objectif du langage n’est pas de connaitre une langue, mais de l’utiliser pour communiquer, échanger. De même, les techniques d’aïkido ne sont que des outils qui nous permettent de nous transformer dans notre rapport aux autres, au monde. Autrement dit, réussir une technique est moins important que la manière dont on s’est comporté durant sa réalisation, avec soi-même (décontraction, détachement, maitrise) et avec l’autre (écoute, absence d’agressivité, et même souci de protection).
Mais rien ne vaut la pratique pour bien comprendre tout cela, bien sûr...