Aïkido Lyon 3

Art martial

mercredi 30 septembre 2009, par Marc

Tout comme peu de médecins connaissent le sens exact du mot “stéthoscope”, qui signifie littéralement “appareil permettant l’observation de la poitrine” – stethos : poitrine ; la scopie étant l’observation, on utilise la racine scope pour désigner tout appareil permettant une observation ; ainsi le microscope (micro : petit), le téléscope (télé : loin), etc. –, nous utilisons tous des mots familiers dont nous ne connaissons pas la signification exacte. Pour prendre un exemple plus commun, la fourchette que nous utilisons tous les jours est, littéralement, une petite fourche (les premières étaient vraiment des fourches miniatures, avec seulement 2 dents). Quel est l’intérêt de connaitre plus intimement les mots ? Pas seulement le plaisir d’apprendre. Il est question aussi de comprendre. Lorsqu’on le comprend vraiment, on s’approprie le mot. Finalement, c’est un peu comme le précepte selon lequel il faut, en budo, voler les techniques du maitre. Cela signifie qu’il ne faut pas seulement imiter et répéter, mais s’approprier la technique en la comprenant.

A l’occasion de la préparation d’un petit laïus pour présenter notre discipline, il m’est apparu que nombre de notions étaient peu claires dans mon esprit. Par exemple, nous sommes tous d’accord pour dire que l’aïkido est un art martial. Mais quel est le sens d’« art martial » ? Nous en avons tous une vague idée, pourtant il nous est difficile d’être précis. Pour être précis, il nous faut aller plus loin, et essayer de définir le mot « art », et le qualificatif « martial ».

J’ai fait cette recherche. Le mot « art » vient du latin ars qui signifie : savoir faire, métier, technique. D’ailleurs sa traduction en grec est tekhnê, racine que nous retrouvons en français avec un sens qui fait référence au sens le plus ancien — le sens premier — du mot « art ».

En effet, l’art est d’abord synonyme de technique (ce sens persiste lorsque l’on parle de « l’art » de l’artisan) : même au début de la Renaissance italienne, les arts désignent encore les savoirs manuels et les cultures des métiers. Il s’agit de « modifier la nature dans un but d’adaptation à l’usage de l’homme. »

Plus tard, l’art prend un sens plus noble : il commence là où cesse la technique, puisqu’il n’est pas un moyen mis au service d’une autre activité, mais détermine son propre but et devient l’« ensemble des règles, des moyens, des pratiques ayant pour objet la production de choses belles ». C’est l’esthétique, et l’origine de l’appellation « beaux-arts ». Avec l’art moderne, la relation avec le beau n’est plus nécessaire, et l’art, au sens noble, devient un terme confus, imprécis, aux multiples définitions... souvent personnelles ; par exemple, Hegel estime que le but de l’art est de rendre accessible à l’intuition l’esprit universel : il s’agit de prendre conscience de l’idée d’universalité et de lui donner une réalité en la retranscrivant sous forme d’œuvre d’art. L’universalité, « caractère de ce qui s’étend à tout, qui embrasse tout » serait donc une connaissance globale, non limitée à la simple connaissance de soi, non limitée à l’échelle individuelle. L’art, quel qu’il soit, cherche toujours à utiliser le monde des sens pour pénétrer dans le monde de l’esprit, de l’âme. Bref, il revient assez souvent l’idée d’élévation spirituelle, par l’usage particulier des sens.

Le maître, « artiste d’un talent exceptionnel », indique par son nom même la finalité de l’art : la recherche de la maîtrise de soi — la maîtrise de soi se définit par la « capacité à contrôler ses impulsions, ses instincts »... donc à « s’élever » en n’étant plus un simple individu préoccupé par lui-même uniquement.

Pour résumer : d’abord connaissance technique visant à améliorer la vie matérielle de l’homme, l’art devient, en plus, une manière de s’élever spirituellement. De moyen, l’art devient une fin en soi (la pratique n’a pas d’autre but que la pratique elle-même qui permet « l’élévation »).

Est « martial » ce qui est en rapport avec la guerre (Mars, dieu de la guerre pour la Rome antique), le combat.

On peut donc définir l’art martial comme une discipline qui permet la recherche, au moyen de la pratique de techniques de combat, d’une meilleure connaissance (ou maitrise) de soi, cette recherche pouvant mener à une évolution spirituelle.

Il est facile d’imaginer que les premières écoles martiales avaient pour objectif de former à un métier : celui de combattant. Les pratiquants devaient acquérir un savoir-faire ; c’était l’objectif de la formation : être apte à combattre, à guerroyer. Aujourd’hui, cela n’a plus ce sens artisanal dans le civil : la pratique d’un art martial est une fin en soi : ce n’est pas pour combattre que l’on pratique, mais pour pratiquer. C’est la pratique elle-même qui permettra de se transformer. C’est d’ailleurs pour cette raison que les arts martiaux existent encore... S’il est vrai qu’après l’apparition des armes à projectile les techniques de combat à main nue, ou à l’arme blanche, avaient perdu de leur intérêt, on ne doutait pas pour autant de l’intérêt de la formation : le corps et l’esprit avaient profit à tirer de ces pratiques. C’est ce qui a modifié la donne : la pratique n’avait plus pour but de se battre, mais de s’élever spirituellement. En cela, l’art martial peut s’entendre aussi au sens noble du terme « art ».

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